http://www.cyberpresse.ca/article/20070328/CPACTUEL/70323021/5244/CPACTUEL01 Il est plus que temps de commander son gâteau de noces!
Photo Le Soleil
Anne Desjardins
Le Soleil
Collaboration spéciale
Après quelques années de purgatoire pour cause d’excès de colonnades et de fausse crème au beurre, le gâteau de noces fait un retour en force dans la panoplie des couples qui choisissent d’unir leurs destinées devant Dieu et les hommes. Regard sur les tendances de l’heure avec trois chefs pâtissiers qui en ont fait leur spécialité.
C’est pour satisfaire sa fibre artistique que Francis Paquet a créé PâtissArt, à Sainte-Foy, une entreprise spécialisée en gâteaux de mariage, après quatre ans passés à la Dacquoise et une vingtaine d’années dans le métier. Et aussi parce que la tendance est enfin au haut de gamme. Jouissant d’une solide réputation, il a déjà 50 gâteaux en commande pour l’été.
« Les gens nous arrivent maintenant avec un budget ouvert pour leur gâteau de noces. Ils veulent ce qui se fait de mieux, et que le produit fini soit à leur image. Ils apportent une photo, un bout de ruban, des fleurs, un pan de robe de mariée pour nous indiquer vers où aller. Le chef pâtissier devient le porteur de la vision artistique. »
À l’autre bout de la ville, De Blanchet fabrique quelque 80 gâteaux de noces en saison. Mais contrairement à Francis Paquet, qui préfère quand ses clients mettent de côté les modèles des magazines pour le laisser créer leur gâteau de rêve, Roland-Alain Blanchet et Nathalie Déry mettent un point d’honneur à reproduire le plus exactement possible ce que les futurs mariés demandent, sans chercher à les influencer. Ils y ajouteront plutôt la touche hyperchic de De Blanchet. « Nous utilisons différentes techniques de pastillage, comme le plissage, du air brush, une pâte de sucre d’Italie qu’on sculpte. Mais nous avons constaté que les gens savent toujours exactement ce qu’ils veulent », explique l’ancien chef pâtissier du Saint-Amour, qui préfère avoir des repères clairs dès le départ.
Ce qu’il aime de ce travail ? La minutie, le défi immense, le plaisir de susciter le « wow » ultime chez ses clients et la détente que la fabrication de belles pièces décoratives procure. « Nous sommes des couturiers alimentaires », blague Roland-Alain Blanchet.
Dans sa boulangerie artisanale de la rue De Celles, Éric Borderon fabrique une vingtaine de gâteaux de noces signature chaque année. Lui aussi aime bien intervenir dans le processus créatif de ses clients. « Je les mets toujours en garde contre la tendance magazine en leur expliquant que, pour obtenir ce résultat sur le plan visuel, il faudrait sacrifier la saveur et la qualité. » M. Borderon est l’expert des croquembouches de mariage, une tradition française extrêmement difficile à réussir. « C’est un cauchemar de fabrication, surtout quand il fait chaud et que le caramel coule, mais c’est un plaisir de création. »
Des pièces montées plus actuelles
Porté par une industrie multimilliardaire en provenance des États-Unis et d’Angleterre, le gâteau de noces n’a plus grand-chose à voir avec la très kitsch pièce montée sur colonnades assortie de mariés de plastique qui accompagnait obligatoirement la réception de mariage de nos parents.
« La plupart des clients ont quand même conservé des goûts traditionnels, corrige Roland-Alain Blanchet. Ce qui change, c’est la qualité des ingrédients et l’actualisation du thème de la pièce montée. » Oubliez la fausse crème au beurre couleur blanc papier, la pâte d’amande, les mousses et les gâteaux miroirs issus des années 80. Les gâteaux imbibés d’alcool sont tout aussi out. Le gâteau de noces du troisième millénaire est chic, simple et délicieux grâce à l’expertise des chefs qui s’y intéressent.
« J’ai mis au point une pâte qu’on appelle un pain moelleux, à base de beurre et de sucre roux, qui évoque les gâteaux d’autrefois. Il a une belle masse et de la texture, indique M. Blanchet. Les génoises sont dépassées parce qu’elles s’affaissent, tout comme les crèmes au beurre en glaçage de finition, qui font très bas de gamme. »
De Blanchet offre sa pâte à gâteau en trois saveurs : blanc avec mousse de chocolat blanc, aux fruits ou au chocolat. Mais à la pâtisserie de Saint-Roch, c’est encore la pâte blanche qui a la faveur de la clientèle. Surtout si elle est aromatisée avec de vraies gousses de vanille.
Du chocolat SVP
Du côté de chez PâtissArt, sur cinq gâteaux, Francis Paquet en crée deux au chocolat. « J’encourage toujours mes clients à se faire plaisir plutôt qu’à suivre la tradition du gâteau blanc à tout prix. Avec l’arrivée de chocolats grand cru, les amateurs sérieux sont de plus en plus nombreux. Cette tendance se retrouve dans le gâteau de noces et elle est en forte croissance. »
Francis Paquet travaille aussi beaucoup la pâte blanche, bien texturée, mais il lui donne des airs de fête en créant, par exemple, une mousseline au citron et graines de pavot ou une garniture aux fruits. Il propose souvent une pâte chocolatée à l’intérieur et un glaçage blanc à l’extérieur afin de respecter le souhait de nombreuses mariées, pour qui le blanc demeure très important. « Les teintes pastel reviennent à la mode, et le fait de travailler le pastillage comme couverture du gâteau permet d’obtenir des teintes d’une grande variété, une belle tenue et une finition parfaite. »
Le pastillage : incontournable
Pastillage : retenez bien ce terme, car il s’agit du nouvel ingrédient-vedette des chefs pâtissiers concepteurs de gâteaux de noces. C’est comme une pâte à tarte, mais qui serait en sucre et ça se travaille aussi facilement. Le pastillage donne un arrondi superbe et permet de sculpter des fleurs de sucre très jolies. On peut obtenir toutes sortes de finis et de textures, et une infinité de teintes, ce qui a permis de remplacer définitivement le fondant, trop difficile à travailler, ou le crémage (trop banal) sur l’immense majorité des gâteaux.
Éric Borderon aussi utilise abondamment la pâte de sucre pastillée pour ses gâteaux. Mais comme il travaille à petit volume, ce boulanger-pâtissier ne renie pas des ingrédients un peu plus « casse gueule », comme la crème fouettée si la noce est plus intime et qu’elle se déroule dans un contexte qui en permet l’utilisation. Francis Paquet et Roland-Alain Blanchet surgèlent leur production afin de pouvoir permettre aux mariés de la laisser exposée durant toute la durée de la réception. Éric Borderon, lui, choisira ses gâteaux et garnitures selon le type de mariage. « On discute des besoins, ce qui m’amènera à leur proposer soit une crème au café, un praliné ou une garniture au chocolat, voire même une mousse, quand c’est approprié au contexte. Mes clients ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent et ils se fient plutôt à mes suggestions, que j’élabore vraiment au cas par cas. » C’est la beauté du gâteau de mariage d’aujourd’hui : il y en a autant de variétés qu’il y a de futurs mariés qui en commandent, et chaque modèle est unique.
Des fleurs
Côté apparence, le gâteau de noces utilise occasionnellement un thème précis : la belle et la bête, la valise (pour le voyage), la nature. J’ai même vu une création extravagante qui avait pour thème le chien Pollux, réalisée pour une cliente par De Blanchet... Mais le plus souvent, le gâteau de mariage se fait discret et élégant. Les colonnades sont mieux intégrées lorsqu’il y en a, les mariés et coupes de champagne de plastique du dessus ont disparu au profit de ravissantes fleurs de sucre, de fleurs fraîches ou de pétales de rose. La sobriété est de bon ton, et les rubans sont bienvenus s’ils viennent souligner l’élégance de l’ensemble.
Tous les pâtissiers vous le diront : c’est dans la création du décor qu’ils s’éclatent et trouvent la raison d’être de leur travail. Francis Paquet est un maître de la sculpture sur graisse, mais sa passion demeure la sculpture de fleurs de sucre ciselées d’un tel raffinement qu’on les croirait vraies. « Je privilégie les fleurs de sucre, car je trouve qu’elles s’intègrent mieux dans l’apparence générale du gâteau que des vraies fleurs, qui sont aussi très fragiles. » Ses deux collègues font plutôt grand usage de fleurs fraîches et de pétales de rose placés à la toute dernière minute.
Sept garnitures de fleurs sur huit de PâtissArt sont en pâte de sucre et sculptées pétale par pétale par Francis Paquet. C’est dire l’expertise qu’il a su développer, avec une production annuelle de plus de 800 roses, coquelicots et autres fleurs. « Souvent, je fais des cascades, de haut en bas du gâteau, que je monte exactement comme un fleuriste. Parfois, je privilégie plutôt les bouquetières de trois fleurs toutes simples qui reviennent à différents endroits de la pièce montée. »
Car il ne faut pas bouder son plaisir : en 2007, le gâteau de noces se fait orgueilleux et il pousse en hauteur, avec une moyenne de trois étages, auxquels on ajoute parfois un étage supplémentaire en styromousse pour lui donner plus de prestige et de volume.